Du textile au texte: quand le langage tisse sa toile

Quel lien y a-t-il entre un oiseau et du tissu? Entre une araignée, le textile et un prétexte? Je vous propose de découvrir ensemble une étonnante famille de mots, qui réserve quelques surprises: celle du mot "tisser".

Violaine

3/1/20253 min lire

Nid de tisserins
Nid de tisserins

Tisser provient du latin texere, verbe qui signifie à la fois «tisser» et «tramer, entrelacer». Le participe passé latin en est textus, on verra que cela a son importance. Une hypothèse rattache ce terme latin à la même racine que celle qui a donné en grec le mot tekhnê, «métier, art» ou encore tektôn, «ouvrier, charpentier». Cela regrouperait ainsi de nombreux mots exprimant le fait de fabriquer, de tailler, de construire.

Une famille avec un oiseau tisserand…

L’entrecroisement, dans sa dimension concrète, est au cœur d’un premier ensemble de mots de cette famille, au lien assez transparent : tissu, tisserand, tissage. Mais on y découvre aussi un oiseau, le tisserin, que l’on rencontre en Afrique et en Inde, et qui a la particularité de tisser son nid en entrelaçant des brins d’herbe et des feuilles.

De la toile, des prétextes…

Dans cette grande famille, par l’intermédiaire du mot latin dérivé tela – qui signifie «toile», mais aussi, au figuré, «intrigue, manœuvre, machination» –, on trouve également toile et ses dérivés : entoiler, toilerieet jusqu’au diminutif toilette, qui est en partie démotivé (vous vous souvenez ? On en avait parlé dans un précédent article, à propos de la pattemouille : un mot est dit démotivé quand on peine à faire le lien entre sa forme et son sens). Le sens actuel le plus courant du mot toilette apparaît au XVIe siècle, où toilette désigne une petite pièce de toile sur laquelle on dispose les objets servant à la parure.

On reste dans l’univers de la couture grâce à textile, issu lui du participe passé textus, mentionné plus haut. Texture s’en éloigne quelque peu, conservant néanmoins l’idée concrète d’un entrecroisement de matériaux. C’est avec texte (et textuel, contexte, prétexte, etc.) que l’on passe dans le monde des productions de l’esprit, avec l’idée de l’enchaînement d’un récit.

... et deux bestioles subtiles

Outre un oiseau, on trouve dans le bestiaire de la famille de tisser deux… araignées – ce qui n’est finalement pas si surprenant : l’orbitèle (du latin orbis, «cercle», et de tela, «toile»), qui tisse une toile verticale composée de cercles concentriques, et l’araignée tubitèle (du latin tubus, «tube», et encore de tela), qui construit une toile en forme de tube. Je vous laisse chercher des photographies réelles par vous-même, si vous n’êtes pas arachnophobe…

Pour terminer, évoquons le descendant le plus subtil de la famille : ce mot serait un terme de tisserand, évoquant ce qui passe sous (sub) les fils de chaîne (tela). (Les fils de chaîne sont les fils disposés dans le sens de la longueur d’un tissu, par opposition aux fils de trame, dans la largeur.) Avec lui viennent bien sûr subtiliser et subtilité.

Au bout du compte, dans cette abondance de mots, c’est le lien entre tissu et texte qui me plaît le plus : c’est le propos même de ce blog, qui mêle la couture et les mots !

D’ailleurs, êtes-vous sûr(e) d’avoir lu tous les articles du blog de La Boîte à zigzag ?

Un nid de tisserins

Dessin de toile d'araignée
Dessin de toile d'araignée

Sources

Le Petit Robert
Dictionnaire historique de la langue française
CNRTL

Copyrights

Photo tisserins : Wikimedia Commons / Prasan Shrestha
Autre image et texte ©La Boîte à zigzag